A la rencontre du livre…
Titre : La présidente (t.2) : Totalitaire
Auteur : François Durpaire (texte), Farid Boudjellal (illustrations)
Editions : Les Arènes
Genre : Bande dessinée
Année de publication : 2016
L’histoire…
Printemps 2022. Après un quinquennat de gouvernement « bleu marine », la présidente prépare sa réélection.
Le pays est plus divisé que jamais. La France FN défend son bilan : préférence nationale et protectionnisme, pouvoir sécuritaire et surveillance numérique. La résistance s’organise autour d’un candidat surprise. Le terrorisme rôde. Marion Maréchal-Le Pen s’oppose à sa tante. Soudain, les évènements s’accélèrent…
Cette bande dessinée d’un genre nouveau – la science-fiction civique – s’appuie sur une fine connaissance du FN et de la famille Le Pen. La France de 2022 sera-t-elle totalitaire ?
Les dés ne sont pas encore jetés
Après avoir lu La présidente de François Durpaire et Farid Boudjellal qui, je le rappelle, se termine sur un grand moment de « cliffhanger », j’avais hâte de retrouver ce duo d’auteurs dans le deuxième tome, Totalitaire, une suite aussi sombre qu’actuelle.
Début du récit : printemps 2022, alors que le précédent ne couvrait pas la totalité du quinquennat de Marine Le Pen. Mon premier réflexe a été de craindre que cette bande dessinée ne soit pas la suite directe du premier tome, mais une histoire indépendante. Crainte rapidement dissipée heureusement, puisque le lien entre les deux épisodes de La présidente est très vite fait. J’ai ainsi retrouvé avec plaisir Tariq et Stéphane, les deux fervents opposants au FN, et rencontré de nouveaux personnages très représentatifs de notre société. Par ailleurs, ce qui s’est passé entre les deux tomes est rapporté avec beaucoup d’intelligence.
Dans Totalitaire, Big Brother est de retour, plus puissant et plus menaçant que jamais. En effet, si le premier tome nous dépeignait un cauchemar, le deuxième est une véritable apocalypse. On plonge la tête la première dans un enfer indescriptible. La conspiration, l’oppression, les attentats… Un amas d’horreur qui permet aux deux auteurs de fonder un genre nouveau : la science-fiction civique.
Comme dans le premier tome, le récit est construit avec soin, bien rythmé et nous empêche de sortir le nez de notre livre. Les différents évènements s’enchainent et nous enferment toujours un peu plus dans l’indicible. Mais ce que j’ai beaucoup apprécié en particulier, c’est le « plus » de Totalitaire par rapport à La présidente. En effet, ce deuxième épisode joue davantage avec la corde de l’émotion, notamment grâce aux personnages de Stéphane et Fati, ce qui apporte un peu de tendresse au récit, bien qu’avec une pointe de mélancolie aussi. Enfin, le dénouement de ce deuxième épisode, bien différent du premier, abandonne le procédé du « cliffhanger » au profit d’une terrible menace, et nous donne d’autant plus envie de lire le troisième tome.
Autres retrouvailles appréciables : le talent remarquable de l’auteur des textes, François Durpaire. Ce dernier cultive l’art du détail bien trouvé, dont la bande dessinée fourmille. Tout particulièrement, j’ai adoré l’intelligence avec laquelle il utilise des faits réels pour inventer de nouvelles choses qui s’insèrent parfaitement dans le récit. Pour ne donner qu’un exemple, la querelle entre Jean-Marie Le Pen et sa fille a inspiré celle entre Marine Le Pen et sa nièce, querelle fictive qui semble d’une exactitude troublante.
Le grand talent de François Durpaire passe également par son travail notable en amont de la rédaction. En effet, tout comme le premier tome, Totalitaire est extrêmement bien documenté et s’appuie sur bon nombre de documents officiels, signe d’une préparation minutieuse de la part de l’auteur. Par ailleurs, la préface place la bande dessinée sous un angle très intéressant à adopter. En ouvrant celle-ci, je ne m’attendais pas à un enrichissement aussi considérable.
La série La présidente ne serait rien sans les illustrations de Farid Boudjellal. Comme dans le premier tome, la couleur noire domine dès les premières pages et nous plonge dans l’oppression et la terreur. Les illustrations sont également d’une intelligence et d’une subtilité très appréciables, et constituent, après le texte, un deuxième niveau de lecture très intéressant.
Le seul reproche que je ferai à Totalitaire tient exclusivement de la forme et ne concerne en rien la partie éditoriale de l’ouvrage. En effet, la reliure des feuillets n’a peut-être pas été prise en compte lors de l’impression. De ce fait, les mots ont été tronqués, ce qui gêne la lecture. Hormis ce défaut de fabrication, Totalitaire est un très beau livre tant par la forme que par le fond.
Totalitaire de François Durpaire et Farid Boudjellal s’affirme donc en digne suite de La présidente. On y retrouve les ingrédients qui ont fait la réussite du premier tome, ainsi que des apports significatifs qui plairont au lecteur. Une transition réussie vers le troisième tome : La vague.
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