La Femme de nos vies – Didier Van Cauwelaert

A la rencontre du livre…

Titre : La Femme de nos viesLa femme de nos vies

Auteur : Didier Van Cauwelaert

Editions : Albin Michel (Edition lue : Le Livre de Poche)

Genre : Roman historique

Publication : 2013


L’histoire…

Nous devions tous mourir, sauf lui. Il avait quatorze ans, il était surdoué et il détenait un secret. Moi, on me croyait attardé mental.

Mais ce matin-là, David a décidé que je vivrais à sa place. Si j’ai pu donner le change, passer pour un génie précoce et devenir le bras droit d’Einstein, c’est grâce à Ilsa Schaffner. Elle m’a tout appris : l’intelligence, l’insolence, la passion.

Cette héroïne de l’ombre, c’est un monstre à vos yeux. Je viens enfin de retrouver sa trace, et il me reste quelques heures pour tenter de la réhabiliter.


Récit d’un incroyable destin ou insipide transfert de poids ?

                Je ne saurais plus dire sous quelle impulsion j’ai acheté La Femme de nos vies de Didier Van Cauwelaert, le livre est depuis trop longtemps dans ma pile à lire. Sans doute à cause de l’auteur, dont j’avais beaucoup apprécié la plume dans Les Témoins de la mariée et Le Journal intime d’un arbre. Jamais deux sans trois ? Le dicton ne s’est pas vérifié : je n’ai pas aimé ce roman.

                Au début, il avait pourtant tout pour me plaire, rien que par le fond historique dont Didier Van Cauwelaert se sert pour son histoire. Cerise sur le gâteau, ce ne semblait pas être un énième roman sur la Seconde guerre mondiale puisque l’auteur décide de s’intéresser à un pan de ce conflit peu évoqué en littérature. Ainsi, ce sont surtout la recherche nucléaire, la course à l’armement (surtout la bombe atomique) et l’utilisation des enfants malades et/ou juifs, mais surdoués, pour qu’ils participent à « l’effort de guerre », qui sont au cœur de ce récit. La Femme de nos vies avait donc fait naître de grandes espérances en moi.

                Et quoi de mieux, pour m’installer dans l’histoire, qu’un suspense fermement ancré dans le récit ? La situation périlleuse, dans laquelle le narrateur, alors jeune garçon sous le règne d’Hitler, est embourbé, est naturellement teintée d’une tension qui nous tient en haleine. Par ailleurs, Didier Van Cauwelaert joue un peu avec son lecteur en lui tendant des perches sur la suite de l’histoire, sans pour autant trop en dévoiler, nous laissant avides de découvrir ce qu’il en est. Jusqu’ici, donc, tout va bien…

                L’histoire, c’est celle que raconte David Rosfeld à Marianne Le Bret, celle de son incroyable destin. Les deux protagonistes se sont rencontrés dans la chambre d’hôpital d’une vieille femme, Ilsa Schaffner, dont les heures sont comptées. Visiblement, ils ne partagent pas du tout la même opinion sur la mourante… Pour elle, c’est cette grand-mère dont elle n’a pas voulue. Car qui accepterait d’être la petite fille d’une nazie reconnue coupable du massacre d’enfants jugés inutiles à la nation ? Mais pour lui, c’est la femme qui, l’année de ses quatorze ans, l’a sauvé au péril de sa vie de la folie meurtrière nazie et lui a offert un destin qu’il n’aurait jamais pu espérer. David se lance ainsi dans une véritable croisade auprès de Marianne pour rétablir la vérité sur Ilsa Schaffner pendant qu’il en est encore temps… Dans un devoir de mémoire et de réhabilitation, il va donc lui raconter son incroyable histoire sous le IIIe Reich… Improbable serait un mot plus juste : l’auteur n’a pas réussi à me faire croire à son récit, dont j’ai ainsi vite décroché.

                Les personnages sont inventés de toute pièce par Didier Van Cauwelaert, mais surtout, ce caractère fictif semble ouvertement indiqué noir sur blanc… On n’a donc pas l’impression de lire une histoire vraisemblable. De plus, celle-ci m’a parue bien fade… Certes, le début touchant et déchirant m’a émue aux larmes, mais passé ce moment, je n’ai plus su me concentrer sur le récit. David Rosfeld, le narrateur, s’impose comme seul intervenant de l’histoire. Il s’éparpille, se perd dans des anecdotes, passe d’un coup du passé au présent… En clair, on est complètement déboussolé par son histoire à laquelle on n’arrive plus à s’accrocher. De plus, le monologue qu’il sert à Marianne Le Bret (et aux lecteurs par la même occasion) le font paraître extrêmement bavard, indiscret, indélicat, et parfois présomptueux même… Dans le fond, La Femme de nos vies aurait pu être une histoire très touchante, mais passée la vive émotion ressentie au début, le bavardage incessant du narrateur m’a laissée de marbre (ou plutôt m’a exaspérée). Je n’ai retrouvé l’émotion que j’attendais que quand, enfin, il cède la parole – bien trop brièvement à mon goût – à un autre personnage.

                Un point intéressant de ce livre : il s’agit d’un double roman d’initiation. David Rosfeld raconte son histoire, celle où Ilsa Schaffner l’a éveillé à la connaissance, en lui apprenant tout ce qu’il devait savoir sur la physique nucléaire, mais aussi à l’amour. Grâce à elle, il a laissé le garçon dans le passé pour devenir un homme. Cette histoire, il la partage autour d’une choucroute et d’un vin glacé avec Marianne Le Bret, la petite fille de sa sauveuse. Tel un mentor, il va tenter de rétablir la vérité auprès de la jeune femme, et surtout de l’éveiller à la vie, à SA vie. Malheureusement, cela ressemble trop à un schéma tout prêt, mille fois rencontré dans les « romans-témoignages » : le vieil homme raconte son enfance, quand il fut sauvé par une nazie injustement condamnée par l’opinion publique, à la descendante de cette personne pour dévoiler enfin la vérité… De plus, le narrateur s’éloigne si souvent de ce sujet qu’il finit par ne plus nous intéresser.

                Enfin, La Femme de nos vies m’a déçu à cause des thématiques abordées. En effet, Didier Van Cauwelaert soulève dans son roman de nombreuses questions sur lesquelles on se pencherait bien avec intérêt. On s’interroge sur l’ambiguïté du comportement de certains nazis qui, comme Ilsa Schaffner (mais j’ai aussi pensé d’une certaine façon à Oskar Schindler), ont exploité ceux qui étaient considérés comme les « ennemis du Reich », mais ce faisant, les ont sauvés d’un destin atroce. Le personnage de Marianne Le Bret, petite fille d’une nazie reconnue coupable de crimes contre l’humanité, pose aussi la question de la culpabilité éprouvée par les descendants de criminels et du désir de réparation qu’ils peuvent ressentir et tentent d’assouvir en luttant pour de bonnes causes. Enfin, Didier Van Cauwelaert aborde le thème de l’identité, d’une part avec le narrateur qui a construit sa vie sur l’usurpation d’une identité, et d’autre part le personnage d’Ilsa Schaffner qui, passant de monstre à sainte en l’espace de 200 pages, nous montre qu’on ne sait jamais vraiment qui sont les gens. Le roman a donc l’intuition de nombreuses thématiques intéressantes mais souhaite toutes les exploiter en trop peu de pages. Au final, on se retrouve avec un amas désordonné de bonnes idées qui ne sont jamais pleinement développées.

                J’attendais beaucoup de choses de La Femme de nos vies de Didier Van Cauwelaert, au vu du cadre historique intéressant et du nom de l’auteur qui figure parmi les valeurs sûres de la littérature. Mais le bavardage insupportable du narrateur et les idées non abouties ont eu raison de mon enthousiasme. J’ai donc été très déçue par ce roman.

2 commentaires sur “La Femme de nos vies – Didier Van Cauwelaert

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  1. Merci pour cet avis développé de ce roman. Je ne l’ai pas lu mais je trouvais les thématiques vraiment intéressantes mais en même temps, cela ne fait pas tout car tout dépend de comment elles sont exploitées et développées.
    Je me demande si je ne vais pas le lire par curiosité un de ces jours 😉

    À bientôt et bonnes lectures !

    Aimé par 1 personne

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