Bleue – Maja Lunde

À la rencontre du livre…

BleueTitre : Bleue

Titre original : Blå ; traduit du norvégien par Marina Heide

Auteur : Maja Lunde

Éditions : Presses de la Cité

Édition originale : H. Aschehoug & Co.

Genre : Roman

Publication : mai 2019


L’histoire…

Norvège, 2017. Depuis son plus jeune âge, Signe a fait passer l’écologie avant tout. Ainsi a-t-elle préféré renoncer à Magnus, dont elle ne partageait pas les idées. Aujourd’hui, elle vit sur un bateau amarré dans un fjord, au plus près de l’eau.  Et c’est pour sauver l’eau qu’elle décide à soixante-sept ans d’entreprendre un dernier périple en mer, lorsqu’elle apprend qu’une opération commerciale, autorisée jadis par Magnus, menace son glacier natal. L’heure est venue pour Signe d’affronter son grand amour perdu. Pour cela, elle doit prendre la direction du sud de la France…
France, 2041. La guerre de l’eau bat son plein. Avec Lou, sa fille aînée, David a fui les Pyrénées ravagées par la sécheresse pour retrouver sa femme et leur bébé, dont il a été séparé. Mais les réfugiés climatiques sont bloqués à la frontière, et les ressources commencent à manquer. Un jour, à des kilomètres de la côte, David et Lou trouvent un voilier au beau milieu d’un champ desséché : le bateau de Signe…
Une intrigue sophistiquée et palpitante, au service d’une fable dystopique plus nécessaire que jamais.


Une douche sacrément froide !

                Après avoir eu un coup de foudre pour Une histoire des abeilles, son premier roman paru en 2017, j’étais heureuse de retrouver Maja Lunde en cette rentrée littéraire. Et avec Bleue, la jeune autrice frappe encore très fort ! Elle nous offre une histoire-coup de poing qui pourrait très bien devenir réalité si on ne fait rien.

                On retrouve, à quelques détails près, le même principe qui avait fait le sel de son premier roman : Maja Lunde alterne deux récits, dans deux lieux, à deux époques, portés par deux voix bien différentes. D’un côté, la Norvège de 2017 où vit Signe. La sexagénaire a voué sa vie à l’écologie mais vit à présent ses vieux jours sur son voilier, le Bleu, amarré dans son fjord natal. Mais quand elle apprend que son glacier est menacé, elle entreprend un dernier voyage pour confronter le responsable, qui n’est autre que son grand amour de jeunesse. De l’autre, la France de 2041 où on rencontre David. Celui-ci se retrouve jeté sur les routes avec sa fille, Lou, à cause de la sécheresse. Son quotidien est désormais fait de restrictions, de privations et de luttes. À nouveau, l’autrice assume son style descriptif et dystopique grâce auquel elle signe ce texte grinçant, un récit pré- et post-apocalyptique saisissant.

                Car, à première vue, à l’époque de Signe, tout va encore « bien ». La planète bleue mérite toujours ce nom. D’ailleurs, si ce n’est pour Signe et quelques personnages secondaires, l’écologie pourrait être une notion assez abstraite, tant la nature est omniprésente et semble en parfaite santé. Le style descriptif de l’autrice gagne alors en puissance tandis que cette dernière nous raconte la nature norvégienne, ses glaciers, ses fjords. Puis, quand Signe entreprend son périple en mer, on quitte la beauté des terres pour l’immensité de l’océan. Son odyssée nous remet à notre place, nous fait prendre conscience de l’insignifiance de l’Homme face à la grandeur et à la force de la nature.

                Tout ceci nous semble rêvé quand on passe à l’histoire de David. En effet, le jeune père vit dans un monde en plein délitement. La guerre de l’eau, la sécheresse, les incendies et les pénuries jettent des milliers de gens sur les routes (ce qui n’est pas sans rappeler le terrifiant La Route de Cormac McCarty). Si on éprouve beaucoup d’empathie pour les sinistrés, on est surtout désemparé, horrifié, devant ce que Maja Lunde nous donne à lire : un tableau de l’avenir à nous glacer le sang et à nous donner des sueurs froides. Surtout quand un récit en principe fictif fait à ce point dangereusement écho aux canicules spectaculaires de cet été.

                Si Une histoire des abeilles, s’attaquait au problème de cet insecte en voie de disparition, ce nouveau roman aborde le sujet de l’or bleu. Denrée précieuse mais malheureusement périssable, l’eau est aujourd’hui menacée, et le livre nous le rappelle constamment. À travers les yeux de David, on constate avec effroi à quel point, sans eau, tout meurt. Et inversement, la moindre goutte d’eau est une source d’espoir. De même, lorsque David et Lou trouvent un bateau abandonné au milieu des terres, celui-ci devient pour eux un symbole de renaissance.

                Bleue, c’est aussi une histoire d’engagement : celui des personnages, certes, mais avant tout celui qu’on nous invite à prendre. Car la nature vaut qu’on se batte pour elle. Quand il était plus implicite dans Une histoire des abeilles, le militantisme écologique est cette fois clairement affirmé, assumé dès les premières pages. Signe est une militante et une fervente dé fenseuse de la nature : son ton catastrophé et catastrophique dénonce la destruction de cette dernière par la main de l’Homme, ses mots véhéments dénoncent le désintérêt et l’inaction, les deux grands fléaux qui empêchent les choses de s’améliorer. À ce titre, l’engagement inconditionnel de la sexagénaire en fait un exemple pour nous tous.

                Bleue de Maja Lunde nous assène une grande claque ! Mais une de celles qui nous fait du bien, dont on avait grand besoin. L’autrice, à travers des personnages d’une rare puissance et en nous mettant face à un avenir plus que possible, en appelle à une prise de conscience des problèmes actuels de notre planète. À nous maintenant de faire circuler cette bouteille à la mer pour qu’elle atteigne son noble objectif.

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