Éléphant – Martin Suter

A la rencontre du livre…

EléphantTitre : Eléphant

Titre original : Elefant ; traduit de l’allemand par Olivier Mannoni

Auteur : Martin Suter

Editions : Christian Bourgois éditeur

Edition originale : Diogenes Verlag AG Zürich

Genre : Roman

Publication : août 2017


L’histoire…

Dans une grotte près de Zurich, Schoch, un sans-abri, découvre un jour un petit animal improbable, un éléphant rose et luminescent. Une seule personne sait comment la petite créature est née et d’où elle vient : le généticien Roux. Il aimerait en faire un événement mondial, une sensation. Mais il lui a été dérobé. Kaung, un Birman, l’un de ceux qui chuchotent à l’oreille des éléphants, a accompagné la naissance de l’animal et estime qu’un être pareil doit être caché et protégé.

Un conte aussi fantastique que réaliste, un questionnement sur la place du sacré et de la bonté dans un monde envahi par la technologie génétique.


Un conte lumineux !

                Après l’infiniment petit d’Une histoire des abeilles de Maja Lunde (ma précédente lecture), je passe à Eléphant de Martin Suter et l’infiniment grand. Ou presque. J’ai été assez conquise par la fascinante créature qui donne son nom à ce conte philosophique d’un nouveau genre.

                Débarrassons-nous tout de suite de la partie pénible de cette chronique : ce que je n’ai pas aimé dans le roman. Si on s’y retrouve facilement d’un point de vue géographique (l’essentiel de l’intrigue se passe dans la région de Zurich), il n’en est pas de même pour le cadre temporel de l’histoire. En effet, pendant une bonne partie du roman, l’intrigue fait des allers et retours dans le passé. C’eut été une difficulté facile à surmonter si les deux époques de l’histoire n’avaient pas été si proches. Entre 2013 et 2016, il n’y a en effet pas de différence notable qui nous permette de différencier dans l’instant les deux récits. Le lecteur est donc forcé d’être particulièrement attentif aux dates indiquées à chaque début de chapitre. Cette difficulté est amplifiée par le nombre assez conséquent de personnages. J’ai mis un moment avant de ne plus confondre récits et personnages, et donc à réellement apprécier le roman. Ainsi, même si elle en vaut largement le coup, la lecture d’Eléphant n’est pas de tout repos.

                Heureusement, le suspense inhérent à l’intrigue est là pour nous captiver et nous faire oublier cet effort  demandé. Bien qu’elle soit assez diffuse, la tension reste bien présente tout au long du roman tandis que l’on assiste à la traque du petit éléphant mené par des scientifiques peu scrupuleux. Par un juste équilibre entre des passages où la tension explose, et d’autres moins denses, Martin Suter nous embarque avec beaucoup de facilité dans sa curieuse histoire pleine de sens. C’est pourquoi j’ai finalement été assez séduite par son roman.

                La traque, qui nous occupe pendant la majeure partie d’Eléphant, est assez insolite et apporte un souffle nouveau à ce genre. L’objet de la quête ? Un minuscule éléphant rose et luminescent, arrivé par hasard jusqu’à Schoch mais que des scientifiques obsédés par ce miracle génétique tentent de récupérer… Avec ce mélange ténu de réel et de fantastique, on se prend d’affection pour la petite créature qui nous fascine, et on tremble pour elle, tant l’épée de Damoclès suspendue au dessus de sa tête est tranchante. La surprenante condition du petit animal soulève aussi chez le lecteur plusieurs questions : quel mystère entoure l’existence de l’éléphant rose ? Que va-t-il arriver à ce dernier ? Pour trouver les réponses, on poursuit donc avidement notre lecture…

                On plonge alors dans une splendide histoire d’amitié. Une amitié aussi insolite que l’existence du petit animal, puisqu’elle réunit autour de celui-ci un sans-abri alcoolique et une vétérinaire vegan (qui, a priori, n’étaient pas faits pour se rencontrer !). Le roman revêt ainsi une couleur poétique tout à fait plaisante et nous montre la beauté et la magie des rencontres improbables…

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (François Rabelais)

                L’existence même du minuscule éléphant, rose et luminescent de surcroît, pose bien sûr la question de la science et des manipulations génétiques. Mais surtout, le roman met ces questions en parallèle avec d’autres thématiques : le sacré, l’éthique… A l’heure où les Hommes utilisent leurs compétences et la technologie pour ne produire que des biens marchands, qu’en est-il de l’éthique, de la bonté, et surtout de la place qu’on accorde au sacré ? Que devons-nous faire quand un miracle se présente à nous ? C’est là que des personnages comme le docteur Reber, Valérie, Kaung et même Schoch nous redonnent fois en l’humanité, quand le docteur Roux et Tseng, le redoutable homme d’affaires, sont un miroir de notre plus grand vice.

                Malgré les difficultés de lecture qu’il pose, Eléphant de Martin Suter est un roman fascinant ! J’ai beaucoup aimé l’originalité de l’intrigue, mais surtout les questionnements philosophiques qui se cachent derrière celle-ci.

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑