A la rencontre du livre…
Titre : La Vengeance du pardon
Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt
Editions : Albin Michel
Genre : Recueil de nouvelles
Publication : août 2017
L’histoire…
Quatre destins, quatre histoires où Eric-Emmanuel Schmitt, avec un redoutable sens du suspense psychologique, explore les sentiments les plus violents et les plus secrets qui gouvernent nos existences. Comment retrouver notre part d’humanité quand la vie nous a entraîné dans l’envie, la perversion, l’indifférence et le crime ?
Quatre sublimes leçons…
Avec La Vengeance du pardon, Eric-Emmanuel Schmitt revient, en cette rentrée littéraire, à la nouvelle, un genre qu’il maîtrise à la perfection. Comme chaque fois que j’ai découvert un de ses livres, toujours différent du précédent, j’ai été frappé par l’imagination débordante et la capacité de l’auteur à se renouveler sans cesse.
Le désavantage d’un recueil de nouvelles, qu’il nous impose sans cesse des coupures et ne nous embarque finalement pas dans une seule grande histoire. Pourtant, les quatre nouvelles sont d’une densité impressionnante et nous captivent à tour de rôle. Parfois assez proche du thriller, chacune nous gratifient d’un suspense tout à fait délectable. Au final, ce sont presque des nouvelles à chute que nous avons entre les mains : le dénouement surprenant qui les conclut donne à ces courts récits un dynamisme plus que prenant.
Dans ce recueil, Eric-Emmanuel Schmitt nous offre quatre nouvelles, radicalement différentes, que le thème du pardon réunit sous un même étendard. « Les sœurs Barbarin » nous plongent dans l’histoire de jumelles aux relations complexes, jusqu’au jour où… « Mademoiselle Butterfly » nous conte, quant à elle, dans une sublime histoire d’amour et de remords quand William, riche banquier au bord de la faillite, est amené à se replonger dans son passé. Cette nouvelle est sans aucun doute ma préférée. Romantique et poétique, elle nous enseigne la beauté et la puissance du remord humble qui nous habite quand on se tourne vers notre passé.
« La vengeance du pardon », qui donne son titre au recueil, nous emmène à la rencontre d’Elise qui, depuis deux ans, rend visite au meurtrier de sa fille et s’efforce de le comprendre… Enfin, « Dessine-moi un avion », qui fait bien sûr référence au Petit Prince de Saint-Exupéry, raconte la belle amitié, nouée autour de cette œuvre célèbre, entre une jeune fille espiègle et un aviateur à la retraite hanté par ses sombres secrets.
Le lien entre ces quatre histoires est bien entendu le pardon, abordé à chaque fois avec une nuance différence. Peut-on vraiment tout pardonner ? Qui peut-on pardonner ? Le pardon est-il préférable à la vengeance ? Autant de questions morales soulevées par Eric-Emmanuel Schmitt dans ses histoires… Mais la plus cruciale d’entre toutes, La Vengeance du pardon explore les ambiguïtés de ce geste. Parfois, le pardon s’avère en effet bien plus violent que la vengeance elle-même. Pardon salvateur ou cruel ? Délivrance ou mise en danger de soi ? Pas de réponse, bien sûr, mais une réflexion intéressante à mener… En parallèle du pardon envers les autres, Eric-Emmanuel Schmitt évoque le pardon, encore plus difficile à accorder, envers soi-même. Face à la culpabilité éprouvée face à ses erreurs passées, doit-on se pardonner et aller de l’avant ?
Dans La Vengeance du pardon, Eric-Emmanuel Schmitt en outre a effectué un travail remarquable et sondé la psychologie humaine avec une grande finesse. Qu’il s’agisse de deux sœurs, d’un père et son fils, d’un coupable et sa victime, ou encore de deux amis, chaque personnage a une épaisseur qui nous les rend plus que fascinant. Les rapports de force qui les opposent parfois nous amènent à interroger la plus importante ambiguïté du pardon : dans la relation qui réunit celui qui pardonne (par conséquent « supérieur » à l’autre) et celui qui est pardonné (« inférieur » et dépendant du premier), quelle position est réellement la plus salvatrice ?
Le style très fluide, peut-être un peu trop simple, d’Eric-Emmanuel Schmitt nous plonge sans peine au cœur de ces quatre histoires. Il est impressionnant, et assez plaisant même, de voir avec quelle légèreté l’auteur aborde des sujets assez graves. Percutante, l’écriture n’en reste pas moins accessible, surtout quand il s’agit d’aborder les réflexions un peu philosophiques qui découlent de ces courts récits.
La Vengeance du pardon d’Eric-Emmanuel Schmitt est donc sans surprise une lecture assez incroyable. Le recueil nous plonge au cœur de quatre sublimes histoires qui nous permettent d’explorer toute la complexité du geste le plus mystérieux de l’humanité : le pardon.
Les marque-pages d'une croqueuse de livres 
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